Les larmes comme bouclier contre ton froid et ta chair en émoi. Tes
veines sont désengorgées, diluées, taries. Je ne suis plus ta bête, pourtant
aujourd’hui je reste encore bouche verte, meurtrie, mots béants devant ton venin craché hier. Sache que je porte ma tête hors de l’eau, et je t’agace, oui,
je le sais, ça attise ton feu n’est-ce pas que je me sois lavée de toi ? Alors
pourquoi diable je chiale, dis-tu ? Parce que ta seule arme pour te
consolider c’est de venir m’atteindre, espérer ma fontaine, ma noyade, te
délecter, boire à l'affront de mon regard, pensant me sauver… Cesse ça ! Mes
yeux ne sont pas secs, c’est vrai, je suis juste fière de porter encore
l’émotion comme défense, mes yeux restent verts et vifs, débordants plus que
jamais. Tu veux récolter mon affliction, ma rosée, larmes de fond, goût salé, celles que j’avais ravalé, étouffé, combien, combien
d’eau encore, combien ? Ta soif me vide ! A trop vouloir protéger, tu
abîmes. Le plus pusillanime des deux n’est pas celui qui a le moins de fierté.
Cette fierté qui guette en toi jusqu’à l’aube pour mieux raviver ta nage. Viens
je suis prête. Je suis ressourcée, je pratique la rage libre et la solitude
depuis longtemps maintenant, je t’affronte, oui. J’ai colmaté mon donjon doré, quinze
fois exactement. Une rustine pour chaque année. Des brèches, j’ai oublié ?
Vrai. Tu me connais si bien, tu restes un chevalier bien armé, mais tes muscles
saillants n’en font pas ta force. Mon donjon est mien, nos petits soldats sont
forts pour moi. Mes gênes et les personnes que je porte ne sont pas en sommeil,
je vie, je donne, je soutiens, j’accepte, je prends, mais pas comme tu
voudrais… non, heureuse, mère, femme, libre. Tu dis que j’ai l’intelligence de
te répondre sans insulte ? Effectivement, les mots nous séparent,
toujours. Reste convaincu que les tiens restent en écho, résonnent de mille
maux, cloche fêlée, sans rancune, utilité «veine». Un jour je
t’inviterai à boire mes larmes oubliées, goûter ma peine, non pas contre ma joue, mais ici, aux bords des mots.
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